Le 29 février ne revient que tous les quatre ans et pourtant l’histoire d’un de mes sosas (comprenez une personne de mon arbre généalogique, le numéro sosa étant un mode de rangement international permettant de tout de suite définir les filiations.) passe par cette date rare.
Il s’agit d’une personne pas très loin de mes enfants car sosa numéro 29 (en plus ), c’est-à-dire mon arrière-grand-mère Félicité. Elle est née le 10 juillet 1883 dans un petit village d’Eure et Loir.
Ses parents sont des petits propriétaires terriens qui travaillent seuls leurs terres et en louent certaines. C’est la maison de famille de madame depuis 1861 quand son père l’avait achetée dans la commune de sa femme.
Ils vivent de peu et le père améliore la maison quand il en a l’occasion. Il n’y a qu’une pièce où vit et dort la petite famille. Elle est reliée par une porte à l’étable où sont installées les quelques bêtes qu’ils possèdent. Lors des grands froids, il est aisé d’ouvrir la porte pour profiter de la chaleur des bêtes.
Ce n’est que onze ans plus tard que la jeune Félicité sera rejointe par une petite sœur Jeanne. Félicité ne va déjà plus à l’école, pour aider ses parents à la ferme, et maintenant, elle s’occupera aussi du bébé.
Les deux fillettes grandissent ainsi, dans une éducation simple où l’on apprend très vite la valeur du travail.
Alors que Félicité va bientôt coiffer Catherinette, elle rencontre un jeune plombier zingueur qui travaille sur un chantier pas loin. Il s’appelle Arcade, est bel homme et est travailleur. Il a même le brevet de meilleur ouvrier de France en tant que couvreur.
Ils se plaisent et commencent à se fréquenter. Il vient d’une famille un peu plus argentée et ils vivent dans la grande ville de Chartres. Les sœurs d’Arcade tiennent même une boutique de souvenirs sur la place de la cathédrale, et reçoivent leurs amies pour le thé.
Voyant que leur frère fréquente la jeune Félicité, les demoiselles invitent donc la jeune fille à venir prendre le thé. Pour Félicité, qui ne connaît que le travail des champs, cette situation est très intimidante. Son fiancé lui achète une belle robe pour l’occasion qu’il paye tout de même 45 francs de l’époque et il lui donne quelques conseils.
Seulement, ce qui était à prévoir se réalise, les sœurs d’Arcade sont trop heureuses de pouvoir railler la petite paysanne au milieu de leurs amies, et la pauvre Félicité en est toute chamboulée et bien énervée pour le coup.
Lorsque Arcade apprend l’affaire, il va voir ses sœurs chez ses parents et se plaint de la scène. Il ne reçoit, pour toutes excuses, que des justifications sur la différence de niveau social qui ne peut qu’aboutir à ce genre de situation. Arcade n’accepte pas le propos, et décide à partir de ce jour de couper les ponts avec l’ensemble de sa famille.
C’est donc le 29 février 1908 qu’il épouse son aimée, la jeune Félicité dans son petit village de campagne.
L’assemblée est restreinte, mais encore plus sans la famille du marié.
Il l’aura épousé par amour !
Ils vivent heureux dans le bourg voisin où Arcade achète une maison avec un atelier pour son travail. Ils ont un fils unique, mon grand-père, qui viendra tardivement à près de 34 ans pour sa maman. Elle le chérit plus que tout.
À la mort des parents de Félicité, ils emménagent dans la maison familiale où ils continuent de faire des améliorations. Jeanne quant à elle fait construire une maison avec son mari sur la part de terrain dont elle a hérité.
C’est le 20 juin 1943, pendant que son fils unique est prisonnier de guerre, que Félicité meurt à, à peine 60 ans d’un cancer au niveau du ventre.
0 commentaire