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Un défi d’écriture a été proposé par Marjolaine Séréduik, coach éditorialiste, et je n’ai pas résisté à la tentation ! « Vous vous réveillez ce matin et tout le monde ne parle que de ça : le Covid a disparu. Fin du couvre-feu, du confinement et autres restrictions. Plus de malades, de risques, de masques. Plus de comptage, de nouvelles alarmantes et contradictoires, plus d’inquiétude.
Racontez la première chose que vous feriez.


Seule consigne : plus que raconter, donnez-nous à VIVRE et RESSENTIR la scène que vous décrivez – gardez à l’esprit que vous avez à disposition bien plus que les mots : la ponctuation, les sonorités, le rythme, les pauses, les silences, la longueur des phrases, le découpage du texte… 😉 »

Ah c’est vrai, on est dimanche. Je ne me lève pas avant 11h ce matin. Marre des visios à n’en plus finir. Sous prétexte que ça n’est pas en présentiel, on nous dérange même le samedi pour des « petites formations ». Pff après faut courir faire les courses dans les magasins bondés et ranger tout ce bazar accumulé pendant la semaine de télétravail. Ils ne se rendent pas compte !
En plus, sans le sport des gamins, même pas le temps de faire les corvées pendant qu’ils sont dehors… Maintenant, c’est non-stop groupir. J’en peux plus. Je les aime mes mômes mais franchement je tourne en rond sur les quatre jeux de société. Si Julie me demande encore une fois les petits chevaux, je crois que je vais péter un câble ! On nous annonce que la situation sanitaire va mieux, que nous en avons bientôt fini avec ce covid, mais qu’il faut être patient… Encore… Ils me gonflent avec leurs règles sanitaires.

C’est malin, à penser à tout ça je n’arrive plus à fermer l’œil. Bravo Lucie ! Malin.Mais je ne me lève pas. Si je bouge un petit doigt, Tom va le sentir. Il ne dort plus je le sais, mais s’il se rend compte que moi non plus, on va devoir se lever pour le petit déj. Des clous, c’est encore moi qui vais tout faire…

Soudain une sonnerie longue et lancinante interrompt le cours de ses idées.C’est quoi cette sirène ? On n’est pas le premier mercredi du mois ! Mais ils ne sont pas fous de faire sonner ça un dimanche matin !Ils vont me réveiller Lucie. Enzo ça ne risque rien, il a le sommeil lourd. Ben, en voilà une deuxième ?? Mais il y a le feu quelque part ou quoi ? Oh non, la cloche de l’église qui s’y met, maintenant ! Mais, on n’entend pas la messe d’habitude ?


Se retournant : – TOM, Tu entends ça ? Mais c’est quoi ce raffut ? On se croirait au 14 juillet ? Elle ne lui laisse même pas le temps de répondre et se lève d’un bon ! – Mais c’est quoi ce truc ? Il y a eu une explosion ? J’ai pas rêvé ? – Mais non c’est des pétards dans la rue ! – Mais il y en a partout ! La rue se remplie crescendo d’une fanfare de klaxons. Julie est déjà devant la fenêtre et attend avec impatience que le volet électrique finisse de s’ouvrir. – allez, ouvre-toi !!! Plus viiite !! Elle sent une pression remplir son corps. Son esprit encore embrumé ne comprend pas ce qui se passe. Elle sent que l’excitation de la rue l’envahie peu à peu. Elle se rappelle de cette sensation quand la France avait gagné la coupe du monde. Le même frisson, la même émotion. Alors que son cœur se gonfle d’un sang neuf, et qu’un espoir fou commence à l’envahir, elle sent la main de Lucie prendre la sienne.

La petite ne dit rien. Juste elle regarde sa mère avec tant de questions dans la voix, que rien ne sort. Le son de la télé que Tom vient d’allumer monte depuis la salle à manger, mais Julie n’arrive pas à entendre ce qui se dit avec tout ce bruit. Elle prend Lucie dans ses bras et passe à côté. Mais Enzo déjà pleure depuis son lit. – zut ! Oui j’arrive ! Maman arrive ! Dit-elle en laissant Lucie sur le canapé à côté de son père. – Tom ils disent quoi alors ? Mais elle est déjà sortie de la pièce et se précipite vers la chambre les bras tendus vers le berceau. Elle tend l’oreille, mais n’arrive pas à entendre la réponse de Tom. Il parle COVID on dirait.

Oh non ! Covid ?! Pas une nouvelle catastrophe ! Pitié pas ça. Non, son corps n’y croit pas un instant, ce ne sont pas des plaintes dehors, c’est de la joie. Mais alors… Non ça n’est pas possible ! Elle ne peut espérer… Non pas de faux espoir. Reste calme. Elle court maintenant. Elle ne se souvient même plus si elle a parlé à Enzo pour le rassurer, mais elle l’a déjà dans les bras, et pour l’instant elle est trop pressée pour en demander plus. Julie est enfin dans la salle. – ALORS QU’EST-CE QUI SE PASSE ? Elle s’est surprise elle-même à crier comme ça. Mais tout ce bruit aussi, on ne s’entend plus penser. – « C’est fini !!! » lui répond Tom qui danse de joie avec Lucie. – quoi ? – Le COVID. C’est fini ! – oh mon dieu ! C’est vrai ? C’est sûr ? Fini ? Totalement ! – OUI !!!! répondent en cœur père et fille.

Julie déjà pose Tom sur son tapis de jeu et… reste là. A côté de lui. Debout. Comme en suspension. Elle ne réalise pas la portée des mots. Elle les entend mais ne les intègre pas. Son cerveau essaye de comprendre, mais c’est comme une langue étrangère. Elle comprend chaque mot mais l’ensemble ne colle pas. Elle n’entend plus que le bruit de ses oreilles qui bourdonnent. La ouate a envahi son corps, sa tête. Elle se sent comme sur un nuage. En lévitation. Elle se voit comme hors de son corps. Elle se rend bien compte qu’il faudrait qu’elle bouge mais rien ne se passe. – LUCIE !!! D’un coup, comme sortie de nulle part, la voix de Tom a percé le silence et un bruit assourdissant reprend l’espace autour d’elle.

Froid et cinglant le bruit découpe chirurgicalement sa torpeur, puis chaud il remplit son cœur qui gonfle à tout rompre. Elle ouvre grand ses poumons pour reprendre son souffle (tiens elle était en apnée…) et se remplit de cet air soudain si… SAIN ! OUI C’EST UN AIR SAIN ! Il n’y aura plus besoin de masque, de gel, d’horaires… Les larmes coulent le long de sa joue quand enfin son esprit intègre la notion. ILS SONT LIBRES ! LE COVID A DISPARU !

Tom est venu la rejoindre, il l’a regardée et la prend dans ses bras. Durant de longues minutes ils sont tous les deux collés, ils ne forment plus qu’un. Un être, juste bien, entier, serein. Hors du temps. Hors d’eux-mêmes. Juste bien. La petite main de Julie tire le pantalon de pyjama de maman. Ses parents se retournent et la prennent avec eux. Et on va chercher Tom, et on danse, chante, cri, rit, et tourne…

Déjà les portes des placards se joignent au concert ambiant, les tiroirs répondent au chant des velcros de la couche de Tom. Et dans une symphonie tumultueuse la vie renait.


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