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Après les « gilets jaunes » et les grèves contre la loi retraite, l’année 2020 a vu un nouvel évènement tout chambouler : le covid19 !

Comme lors de la canicule en 2003, la victime expiatoire de nos « débordements écologiques » désignée est : nos seniors.

En tant que gardienne de mémoire, je suis allée à leur rencontre pour leur donner la parole dans ce contexte de crise sanitaire.

Les invisibles deviennent-ils plus visibles ?

Où sont les seniors ?

  • Isolés dans leurs « tours d’ivoire », les EHPAD, où on les voit, mais de loin.

  • Enfermés dans leurs logements. Toutefois, de plus en plus connectés pour garder le contact avec leur entourage.

Le sujet des séniors est évoqué dans les médias avec des chiffres ; Chiffres qui s’accumulent car parlants, paraît-il. Mais ne serait-ce pas encore l’arbre qui cache la forêt ?

Je voulais connaître leurs versions, à ces « seniors ». Alors, je les ai appelés, et je leur ai demandé leur avis, à eux !

Les points communs.

On retrouve bien sûr les informations transmises par les chiffres des sondages.

À domicile, globalement les seniors ont bien vécu cette période, car ils sortaient déjà peu pour la majorité d’entre eux.

Les points positifs si l’on sait tirer profit des soucis actuels

Même si la famille et les amis manquent, la qualité d’écoute semble meilleure d’après leur ressenti. Par ailleurs, « la fracture numérique » a diminué, les personnes réticentes aux nouvelles technologies y ont vu un réel intérêt.

Sans les activités qui rythment le quotidien, ils vivent au ralenti, mais deviennent aussi plus créatifs et ont plus de temps pour faire ce qu’ils ne peuvent pas faire d’habitude.

Ces moments difficiles font penser à d’autres plus durs encore, et ils relativisent, surtout en pensant aux moins chanceux. Ce temps disponible est propice à la réflexion sur sa façon de vivre et notre société. C’est notamment l’occasion de revenir à une vie plus simple puisqu’ils ont vu qu’on pouvait vivre avec moins. Les séniors enfin ont apprécié le retour de la solidarité de voisinage.

Les points négatifs d’une telle épreuve

Bien sûr au-delà des décès auxquels les seniors pensent dans cette pandémie, le temps est tout de même trop long au quotidien, et ils souffrent du  manque de liberté. Par ailleurs, ils craignent les comportements pas toujours responsables de leurs contemporains et restent prudents lors des sorties.

En tout cas tous ils sont unanimes : stop aux médias ! Trop de propos anxiogènes ça déprime, alors ils coupent les informations.

Mais ils restent conscients des problèmes économiques que tout ceci va engendrer, et sont inquiets pour les générations à venir.

Des situations différentes

En comparaison à ceux qui sont seuls ou en appartement, certains séniors s’estiment chanceux d’avoir un entourage pour les courses ou pour appeler, ou de pouvoir sortir et s’occuper dans un jardin.

Enfin, j’ai constaté une inégalité de prise en charge entre les communes. Certaines mettaient en place un portage de repas ou des livraisons depuis des commerces et fermes locales, tandis que d’autres ne prenaient pas de nouvelles de leur population fragile et n’étaient parfois même pas joignables en cas de besoin

Et puis, il y a aussi ce qui les différencie individuellement. Comme j’en ai l’habitude, je vais donc évoquer ici leurs petites histoires dans la grande Histoire.

A chacun son confinement

Je vous parlerais ici de quelques personnes dont les histoires m’ont plus particulièrement touchées par leurs singularités.

Les seniors actifs

Tout d’abord certains n’ont pas chômé durant ce confinement.

Ainsi Mme S. qui est toujours active du haut de ses 72 ans, se « rend compte que le monde mute et qu’elle veut y prendre sa place ». Elle ressent une urgence à faire les choses, être « en guerre » l’a remise en selle, là où elle était dans une phase un peu « bof ». Ses yeux ont eu du mal à suivre le rythme des Zoom, Skype et autres applications et réseaux sociaux…

Et puis, il y a M W., jeune retraité qui fait parti des réservistes de l’armée. Lors du confinement il a été appelé quelques jours pour de la logistique et du dépannage informatique.

Les impacts sur notre société

Certaines personnes, marquées par leur histoire personnelle, ressentent plus les bouleversements induits par cette crise, telles des vigies.

Ainsi, Mme R. 71 ans, se montre particulièrement inquiète sur ce que l’urgence nous a conduit à accepter : « tout le monde se surveille, le lien de confiance semble diminué. L’injonction de l’état nous a rassurés, mais il faut prendre conscience du danger de la perte de liberté. »

Mme B. qui faisait du soutien scolaire avant le confinement, a peur  quant à elle, pour les enfants avec des conditions de vie difficile, car la situation actuelle risque d’augmenter les inégalités sociales.

Mme Ch. ancienne maîtresse d’école élémentaire a vu dans la décision de fermer les écoles un geste fort, inédit qui l’a alertée. Elle a alors ressenti une énorme incompréhension, «  On a des données qui nous échappent. » 

Elle a aussi été choquée par le décès de la jeune fille de 16 ans qui avait fréquenté son école quelques années plus tôt. Sa communauté était touchée ! Elle a dû prendre des calmants deux jours pour s’en remettre. Par ailleurs, elle craint que l’utilisation des ordinateurs pour le travail scolaire, ne favorise l’utilisation des écrans à tout va et ne rende les jeunes encore plus dépendants des écrans à l’avenir.

Le confinement, fonction de la santé

Mais ce qui fait bien sûr une vraie différence entre les personnes interrogées, c’est l’état de santé.

Par exemple, Mme Le. fait partie des personnes soupçonnées d’avoir eu le virus, mais qui n’a pas pu être testée par manque de tests au début du confinement. Elle a suivi, sur les conseils de son médecin, un protocole très strict. Inscrite sur une liste spécifique, elle devait répondre à un questionnaire en ligne deux fois par jour à heure fixe. Une fois, elle a raté un horaire, et dans la demi-heure qui a suivi, elle a reçu un appel pour vérifier son état de santé et lui demander de remplir le dit questionnaire. Elle s’est sentie soutenue. Mais elle s’est très difficilement remise et l’absence de contact humain a joué sur son moral, ce qui n’a pas aidé à son rétablissement.

Mais il y a aussi et surtout les problèmes de santé déjà présents avant le confinement.

Comme Mme G. dont la mère est atteinte de la maladie d’Alzheimer. Jeune senior, son employeur s’est enfin décidé à la libérer de ces obligations professionnelles pour qu’elle puisse prendre sa retraite, même si elle l’aide encore un peu de temps en temps pendant cette période difficile. Elle passe donc plus de temps avec sa mère qui vit dans la maison voisine. Elle a déjà sécurisé tout son environnement, mais elle constate avec cette plus grande proximité, que sa mère est beaucoup plus atteinte qu’il n’y paraissait. « Elle triche beaucoup ». Il est presque impossible de la faire sortir car comment sa mère pourrait  croire qu’il y ait un tel virus, alors que cela ne s’est jamais produit… Elle  refuse donc de porter un masque et ne comprend pas les gestes barrières. Lorsqu’elle veut sortir, les deux femmes rentrent dans une zone conflictuelle supplémentaire.

Mme Co. a un fils handicapé mental qui vit en institution et venait chez elle certains week-ends. Il est resté confiné dans son centre d’accueil et elle ne l’a pas revu pendant plus de deux mois et demi. Elle l’a donc appelé tous les jours. Mais lorsqu’il a eu de la fièvre et a donc dû être mis en confinement strict pendant 17 jours dans une autre partie du foyer, Mme Co. avait peur pour lui et ne pouvait rien faire, à part pleurer. Après sa fièvre, son fils devait retourner dans sa chambre. Mais il a refusé, car durant le confinement strict il était accompagné par son éducatrice préférée, et il ne comprenait pas pourquoi il devait la quitter. C’est le cas aussi de Mme S. dont le frère handicapé était aussi confiné à plus de 20 kms et qu’elle n’a pas vu depuis plusieurs mois.

Pour Mme B., dont le mari est atteint par la maladie de Parkinson. « ça fait longtemps qu’ils sont confinés et ne peuvent pas sortir du fait de leurs problèmes de santé » m’explique-t-elle en parlant de tous les malades de son association. « Il n’a plus de kiné, alors c’est moi qui lui fais des exercices. » précise-t-elle. Elle s’inquiète pour l’avenir, car elle a peur de lui transmettre le virus, « car s’il l’attrape il ne survivra pas ! » « Les malades n’en voient pas le bout, son mari dit qu’il ne survivra pas à ça. » « Pour lui l’absence de contacts est une punition ! »

Mme Ca perdu son frère durant le confinement, à la suite d’une embolie pulmonaire (pas forcément lié au covid19). Plus jeune qu’elle, il était comme son fils. Elle ne peut pas aller lui rendre un dernier hommage car il habitait sur Dax. Pour l’instant, ses filles ont fait la cérémonie sans Mme C. et les pompes funèbres acceptent de garder les cendres gratuitement pendant un an. Mme C. attend donc le réel déconfinement des personnes à risques pour pouvoir se déplacer jusque là-bas.

M G. vit en immeuble au quatrième sans ascenseur. Il a des pathologies qui l’empêchent de marcher vraiment. Pour lui le confinement « est terrible ! » En temps normal il a une prise en charge de kiné où il est accompagné par un ambulancier. Seulement, depuis le confinement tout est arrêté. Il ne sort plus, ne se déplace plus que dans son appartement.

Ce qui augmente les douleurs de l’arthrose et de sa sciatique qui deviennent difficilement supportables. Il vit seul avec peu d’aide familiale, et ne peut descendre faire ses courses. Il a heureusement une aide-ménagère pour faire ses achats. Mais au début du confinement on lui a annoncé que la société dont il dépend ne pourrait plus lui fournir une personne pour l’aide à la toilette, alors il doit se débrouiller seul comme il peut. Il ne peut même pas contacter la mairie car il faut aller sur place à certains créneaux et il ne dispose pas d’Internet. Il ne peut donc pas modifier sa situation et doit donc faire avec…

Plusieurs personnes m’ont répondu qu’ils ne sortaient pas durant et même après le confinement pour une question de sécurité. Cependant, lorsque l’on sait que le principal problème de l’hospitalisation des seniors est le manque de mouvements (qui entraine une perte musculaire importante et donc accroît le risque de chutes) : que vont devenir tous les seniors qui ont été confinés en appartement ou même en maison, s’ils ne circulent même qu’à petits pas dans leur jardin ? Dans quelle proportion le risque de chutes des seniors va-t-il augmenter ? Mme B. exprime qu’elle sortait un peu avant, mais que son fils faisant les courses, elle ne sort plus et ce depuis quatre mois à présent… elle n’en voit plus l’utilité, et perd ainsi ces derniers liens avec l’extérieur.

L’après-confinement ?

Et puis, il y a le cas particulier de Mme M. qui tient un gîte pour arrondir sa retraite. Elle vient de recevoir les directives pour tenir compte du risque covid19 avant de pouvoir rouvrir. Elle a enlevé les coussins, les magazines.… Elle est censée changer les rideaux aussi entre chaque hôte, mais ça n’est pas possible pour elle. Alors, il faut laisser plus de temps entre deux réservations, afin de tout changer ou décontaminer. « On n’a pas le choix, il faut changer sa façon de vivre, le virus est sournois, il faut se méfier ! »

Mais parce que j’aime rester positive en toute chose je finirais donc sur une note plus gaie que plusieurs personnes ont remarqué  et notamment Mme La. «  Ça faisait bizarre, il n’y avait plus de bruits, On entendait plus les oiseaux…. On revivait avec la nature ! »

Et si c’était ça, la bonne nouvelle ! On a vu que la nature reprenait force plus vite qu’on ne le pensait, serait-ce de nouvelles pistes de réflexion pour résoudre la crise écologique ?

Catégories : BlogL'actualité

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