Restera de cette période un cauchemar récurrent pour moi, lors de mes jours de fièvre dans les années qui suivront. Je reverrai toujours les chevaux morts sur le bord de la route sous des arbres. Cette image m’était restée plus que la vue des personnes mortes.
Ils s’étaient trouvés abandonnés comme ça en plein mois de juin. Plus tard, on me racontera qu’à ce tableau devait être ajoutée la puanteur, car il faisait très chaud.
Quant à Geneviève, il lui reste un fond de colère, souvenir que sa mère l’ait poussée dans un fossé plein d’orties. L’aviation italienne, en effet, mitraillait en piqué les colonnes de réfugiés sur la route de l’exode. Mais, du haut de ses douze ans, l’impérieux souci de survie qui avait poussé sa mère à cet acte pour échapper à une fusillade aérienne ne lui apparaît pas comme d’une évidence immédiate.
Ma mère, elle, racontera plus tard le souvenir de l’annonce de l’arrivée des Allemands qui avait rendu fou un pauvre soldat noir, côté français. Il savait que les Allemands détestaient les soldats noirs, qu’ils considéraient comme une honte puisque étant des « sous-hommes » embauchés pour des postes où, selon eux, il ne pouvait y avoir que des hommes d’honneur. Ils étaient donc très maltraités, voire tués. Et ce soldat ne voulait pas lâcher son fusil et faisait de grands moulinets avec. Il avait fallu papa et plusieurs hommes pour arriver à le raisonner.
Malheureusement, il sera abattu devant nous par les soldats allemands.
Après notre retour, la vie reprend malgré tout, avec toutes les contraintes de la guerre.
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