En cette journée du 11 novembre 2023, je vais vous parler de l’histoire singulière d’une de ces veuves de la première guerre mondiale pour qui l’armistice de 1918 n’était pas une joie.
Elle s’appelait Joséphine Pencalet, ce qui en breton signifie la tête dure. Et vous verrez que ça n’est pas peu dire.
Joséphine est née en 1886 à Douarnenez, dans une famille de marins.
Tentant d’échapper à sa condition, elle part pour la capitale, où elle va exercer un métier très courant pour les néoruraux, domestique. Elle se marie contre l’avis de sa famille et a deux enfants. Mais c’est sans compter la première guerre mondiale qui la prive de son cher époux.
Seule avec ses deux enfants, elle décide de retourner au pays. Elle y trouve un emploi dans une usine de poissons locale.
En novembre 1924, les ouvrières de la conserverie entrent en grève et Joséphine est du lot, pas plus, pas moins que les autres. Elles gagneront quelques avantages et cesseront la grève en janvier 1925.
C’est juste après que commence la campagne des élections municipales. Le contexte est favorable à une réélection du maire communiste sortant. Cependant, une directive venue tout droit du secrétariat féminin de Moscou demande qu’il y ait au moins une femme par liste électorale.
Seulement, pas si simple à trouver dans un pays où les femmes ne sont déjà pas électrices et pas plus éligibles. La question a déjà été débattue au niveau national, mais n’a pas encore fait d’émules suffisants dans les rangs des sénateurs conservateurs.
L’avantage, c’est que pour une élection municipale les candidats ne sont vérifiés dans leur éligibilité qu’après le vote. Donc il ne reste qu’à trouver une femme, de préférence parmi les ouvrières de la grève. Mais voilà, la majorité de ces dames n’est pas partante, et pour cause, leurs maris n’approuvent pas.
C’est ainsi que le maire sortant et son équipe vont chercher une veuve qui serait partante pour l’aventure.
C’est Joséphine qui répond présente et sera élue au premier tour. C’est une des premières femmes à être élue en France, avec Marthe Tesson qui deviendra adjointe au maire à Bobigny. D’autres femmes seront élues lors du deuxième tour de ses élections.
Elle siège en tant que conseillère municipale, principalement dans les commissions hygiène et affaires scolaires.
L’élection de ces femmes, en mai 1925, est très vite annulée par les préfectures, et confirmée par le conseil d’État en novembre 1925. Comme plusieurs autres femmes dans son cas, Joséphine fera appel de la décision, en rappelant que la loi de 1884 précise le statut des hommes, mais ne précise pas que les femmes ne sont pas éligibles et qu’elles font partie des « citoyens ». Le coup de bluff ne fonctionnera pas et les femmes devront quitter la scène politique.
Alors que l’élection de Joséphine avait fait les choux gras des journaux locaux comme nationaux, son éviction ne fera pas le moindre encart dans la presse. De même, les camarades du bloc ouvrier et paysan qui l’avaient accueilli sur leur liste sont particulièrement silencieux.
Elle ne souhaitait, pas plus que ça, participer à la vie politique et son retour à l’anonymat ne la dérange pas plus que ça. Mais l’attitude de ceux qui l’avaient mis là, la choque. À partir de cet instant, elle ne voudra plus rien avoir à faire avec ce monde-là. Quand elle obtiendra le droit de vote en 1945, elle ne votera jamais et insistera pour que ni ses enfants et petits-enfants ne votent jamais.
Ce que nous pouvons retenir de cette histoire, c’est son courage à s’engager dans une voie qu’aucune n’avait prise alors qu’elle n’était pas particulièrement engagée. Mais aussi son implication pour se faire élire tout de même, et la force de son désengagement jusqu’à sa mort en 1972, tant le monde politique l’a déçu.
https://histoireparlesfemmes.com/2017/09/20/josephine-pencalet-premiere-femme-elue-en-france/
https://fr.wikipedia.org/wiki/Jos%C3%A9phine_Pencalet
https://www.politis.fr/articles/2021/03/josephine-pencalet-premiere-elue-francaise-42948/
une vidéo avec le témoignage de sa famille : https://bed.bzh/fr/films/josephine-pencalet-une-pionniere
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Image de couverture : Peder Severin Kroyer Sardinerie à Concarneau – PICRYL – PICRYL
Les femmes et les hommes d’exception ne sont pas toujours sur le devant de la scène, et pourtant que de belles histoires sont cachées dans nos familles. Pensez à préserver la mémoire de vos anciens !
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